Une expérience de subjectivité
A l’heure où les neurosciences dominent dans le milieu de la psychologie et de la psychothérapie, que peut encore offrir la psychanalyse ? Pourquoi résiste-elle toujours ?
Il est clair que la psychanalyse s’inscrit à contre-courant des cadres statistiques et comptables qui prédominent aujourd’hui. Contrairement à la psychologie du “tout-comportemental”, elle ne peut s’évaluer scientifiquement dans la mesure où elle prend en compte ce qui échappe à tout un chacun, à savoir l’inconscient.
Mais bien qu’elle ne soit pas possible à évaluer, il est faux de dire qu’elle est sans effet et qu’elle ne soulage pas. Il est évident que cela implique de trouver l’analyste qui nous convient. Il doit aussi avoir une solide formation. Mais une fois que l’on a trouvé, le travail qui se met en place peut vraiment aider à sortir de certaines impasses et être soutenant pour le patient.
La psychanalyse à contre-courant
Dans une société qui prône la normalité et où il faut toujours aller vite, on ne prend plus le temps d’écouter l’autre. Et cela se répercute dans le soin. Tout ce qui compte aujourd’hui, c’est d’éradiquer le symptôme du patient le plus vite possible, sans chercher à saisir la souffrance qui se cache derrière. Autrement dit, ce qui importe, c’est de réadapter le patient à la norme en vigueur.
Il va sans dire qu’un tel traitement gomme la dimension subjective du patient. On ne tient pas compte de qui il est, mais de comment il devrait être. Il ne s’agit alors plus de soin, mais de rééducation. Et éthiquement, cela n’est pas sans conséquence.
La psychanalyse se veut être l’opposé de cela. Elle n’est en rien normative. Elle sert avant tout à donner un espace au patient, où il peut être entendu et respecté pour ce qu’il est. Le psychanalyste est une figure neutre et bienveillante. Il offre une disponibilité d’écoute qui a malheureusement tendance à se raréfier comme l’énonce Samuel Dock, psychologue et psychothérapeute.
Les effets de la psychanalyse
Samuel Dock, professionnel d’inspiration analytique, insiste sur les effets positifs que la psychanalyse peut avoir. Travaillant au service de médecine de l’adolescent à l’hôpital Robert-Debré, il explique qu’il reçoit “ces jeunes patients perdus qui ont fait le tour des autres services et qu’aucune approche n’a pu, jusque-là, aider”. Ses consultations de “thérapie par la parole” sont d’ailleurs très demandées. Mais pourquoi la parole peut-elle avoir de tels effets ?
Parce que l’être humain est constitué par le langage. Nous sommes des êtres parlants, ce qui nous distingue des animaux. Et ce langage, dans lequel nous sommes baignés depuis le jour de notre naissance, nous façonne. Il nous a marqués, de par ce que nous avons entendu ou la façon dont on nous a parlé. En ce sens, une thérapie par la parole permet de modifier “l’assemblage dont nous sommes constitués”. Elle permet de réinscrire les choses en nous différemment, ou par exemple de prendre de la distance par rapport à des discours qui nous ont impactés. C’est cette “réinscription”, cette mise à distance, qui permet de voir les choses autrement et de soulager une souffrance, un mal-être.
Nous vivons dans une société caractérisée par la pauvreté des rencontres, la fragilisation du sentiment d’identité, la tentative de combler systématiquement le manque du patient au lieu d’en faire une opportunité de changement. “La perte de contact direct avec l’autre, du fait des outils technologiques, nous amène d’une certaine manière à le désapprendre” estime Samuel Dock. La psychanalyse, en valorisant la parole du patient, est une thérapie qui préserve le rapport humain. «Les psychanalystes n’offrent ni comprimés à avaler ni exercices ou conseils qui agiraient comme les prothèses narcissiques que notre société nous pousse à consommer. A l’inverse, ils restaurent l’espace d’existence».
Source : Article Le Figaro
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