La psychogénéalogie : qu’est-ce que c’est ?
La psychogénéalogie, ou psychanalyse transgénérationnelle, est un travail thérapeutique qui s’adresse à toute personne dont l’histoire familiale est douloureuse, qui remarque des répétitions de schémas, ou présentant des symptômes qu’elle n’arrive à relier à aucun évènement particulier.
Cette thérapie s’appuie sur l’étude exhaustive de l’arbre généalogique de la personne, afin de retisser la trame familiale au fil des générations et d’élaborer l’impact de certains évènements sur les descendants. La personne va pouvoir prendre conscience de mécanismes inconscients à l’œuvre potentiellement transmis, comprendre la place qu’elle occupe dans son roman familial et mettre du sens sur ses propres difficultés et symptômes.
Tout commence par un traumatisme…
Qu’on le veuille ou non, des choses de l’histoire familiale se transmettent d’une génération à une autre, soit par les mots, soit par le silence. Lorsque quelque chose de traumatique se produit à une génération, cela marque la famille, dont chaque membre proche va déployer des mécanismes pour gérer cet évènement particulier.
Il y a alors plusieurs issues possibles. Soit les membres de la famille sont suffisamment à l’aise pour en parler et arrivent à élaborer, c’est-à-dire à digérer psychiquement l’évènement traumatique pour arriver à une forme de résilience, soit la souffrance est telle qu’elle est ingérable.
Les membres touchés par l’évènement marquant décident alors d’enfouir ce qui vient de se passer, et donc potentiellement de ne plus jamais en parler. L’émotion liée au traumatisme est comme gelée, et on fait alors comme si ça n’avait jamais existé. Cela crée une sorte de tabou. Dans le transgénérationnel, c’est ce qu’on appelle une crypte. L’évènement et l’émotion sont littéralement mis au tombeau pour ne plus jamais en sortir. Cela concerne généralement des situations très douloureuses (deuil), ou qui peuvent être sources de honte (ruine), ou encore avoir un lien avec une transgression (inceste, enfant illégitime, crime…).
Lorsqu’une génération adopte une telle posture, cela a des conséquences pour la génération suivante. Les descendants, dès leur plus tendre enfance, vont percevoir les malaises, les colères chez leurs parents lorsque tel sujet est évoqué par exemple. Ils peuvent aussi remarquer que tel sujet, telle période de vie, telle personne dans la famille sont passés sous silence, créant ainsi une dynamique particulière. Par alliance inconsciente, ou loyauté, les enfants peuvent alors respecter ce tabou en ne posant aucune question gênante. C’est comme cela que même par le silence, des choses sont perçues et se transmettent inconsciemment.
Le fantôme transgénérationnel à l’origine de symptômes
Cette dynamique de neutralisation et de déni du trauma et de l’affect, va créer un secret, un non-dit, donnant lieu à un « fantôme transgérérationnel ». En psychogénéalogie, un fantôme désigne un élément psychique resté secret dans la psyché et qui se transmet aux générations suivantes sous forme de maux, de maladies ou d’accident. C’est « une structure psychique émotionnelle résultant d’un traumatisme » (Bruno Clavier, « Les fantômes familiaux, psychanalyse transgénérationnelle ».)
Concrètement, cela signifie que lorsqu’un ancêtre a expulsé un évènement traumatique et les affects qui y sont liés, il crée une sorte de « grenade dégoupillée » pour reprendre l’image de Bruno Clavier, qui pourra « être transmise de génération en génération sans faire de dégâts visibles jusqu’à ce qu’elle éclate sous la forme de phénomènes pathologiques incompréhensibles ».
Ainsi par exemple, le deuil impensable et non fait d’un parent qui a perdu son enfant peut être repris par l’un ou l’une de ses descendants, même plusieurs générations après. Cela va donner lieu à des symptômes chez la personne qui se retrouve « parasitée », « encombrée » par cet élément transgénérationnel qui ne lui appartient pas. Les symptômes paraissent alors n’avoir aucun sens pour la personne. Ils peuvent se traduire par des pensées, des paroles ou actes que l’on trouve étranges, par des obsessions, des phobies…
Perspectives thérapeutiques
Interroger cette mémoire familiale permet de comprendre nos conflits psychiques, nos peurs, nos rapports aux autres, à la famille, au travail, à l’argent et aux échecs en tout genre : divorce, maladie, accident, fausse couche, avortement, enfant adultérin, emprisonnement, exil, etc…
C’est le rôle du psychanalyste de repérer dans le discours du patient, à partir de ce qu’il sait mais aussi de ce qu’il ne sait pas de son histoire, certaines dynamiques familiales en jeu et ce qui peut émaner d’un potentiel poids transgénérationnel.
On va alors pouvoir travailler autour de l’arbre généalogique, en étudiant les noms, prénoms, dates de naissance, de mariage, de mort, de traumatismes des aïeux… Ce travail va consister à repérer la répétition de ces signifiants tout au long d’une chaîne généalogique, permettant au patient de donner du sens et du relief à son histoire familiale. En arrivant à retisser petit à petit le fil de l’histoire du patient sur plusieurs générations, il est possible de remonter à la source d’hier d’un symptôme d’aujourd’hui, en repérant à quel niveau a eu lieu le « tremblement de terre original » ayant provoqué les « tsunamis familiaux »¹ actuels.
Pour porter ses fruits, ce travail doit s’inscrire dans un travail analytique ou de psychothérapie où la personne travaille également sur sa propre enfance et ses difficultés. Il importe de pouvoir s’occuper des deux sortes de traumas : ceux qui sont personnels et ceux de nos ancêtres que nous portons en nous, afin de pouvoir s’apaiser et rendre aux ancêtres ce qui leur appartient.
Notes
¹ Bruno Clavier, Les fantômes familiaux, psychanalyse transgénérationnelle, Petite bibliothèque Payot Essais, 2014, p.54
Bibliographie
Théorie
- Anne Ancelin Schützenberger, Aïe, mes aïeux !
- Ces enfants malades de leurs parents, Anne Ancelin Schützenberger et Ghislain Devroede
- Bruno Clavier, Les fantômes familiaux, psychanalyse transgénérationnelle
- Didier Dumas, L’ange et le fantôme, introduction à la clinique de l’impensé généalogique
- Nicolas Abraham et Maria Torok, L’écorce et le noyau
- Les secrets de famille, Serge Tisseron
- Tintin et les secrets de famille, Serge Tisseron
Romans
- Anthony Passeron, Les enfants endormis
- Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit
- Philippe Grimbert, Un secret